Au croisement des modernités

Ce lieu peu convivial, marqué par la verticalité, est remarquable tant il se trouve à de multiples croisements où l’homme a eu à s’expliquer avec le relief, l’hydrographie, la géologie… Ici, la vallée se resserre tel un canyon, mais un canyon artificiel, car les pentes sont des remblais et la rivière a disparu. L’endroit mérite toute notre attention.

Émergence de la puissance thermique

Avec l’émergence de la force motrice thermique (charbon puis pétrole), la ville va pour beaucoup se structurer autour des voies de communication. En 1854, le chemin de fer apparaît dans la vallée du Maelbeek, maillon d’un réseau en plein développement. Il ne peut en gravir les pentes trop raides. Il épouse donc ses courbes qu’il souligne, avant de la franchir en la barrant. En 1890, c’est au tour de l’avenue de la Couronne de franchir la vallée, sur le pont qui la surplombe de ses 20 mètres (voir Module 5, « Le canyon »).

Ici se croisent l’axe radial (du centre de la ville vers la périphérie), considéré comme majeur, avec l’axe de la vallée, considéré com-
me secondaire. Ceci dit, ce croisement de structures urbaines ne forme pas un vrai croisement du point de vue de la mobilité. Le haut, c’est le haut et le bas c’est le bas…

Mais un peu plus d’un siècle plus tard, une mobilité, se fondant sur l’automobile et l’utilisation des énergies fossiles, est devenue une telle source de nuisances (occupation massive de l’espace urbain, imperméabilisation des sols, réchauffement climatique, émission de microparticules…) que s’est redéveloppée parallèlement une mobilité douce (vélo, marche) qui ne cesse de croître…

Une inversion étonnante

À ce moment s’opère une inversion étonnante : les anciens dispositifs issus de la modernité du XIXe siècle et sa volonté de maîtrise de la nature par l’homme, vont être réutilisés avec les objectifs nouveaux de la modernité du XVIe siècle et la nécessité de recomposer plus harmonieusement entre humains et non humains. Ainsi, la couverture de la rivière formant dès lors une pente douce au fond de la vallée est une aubaine pour les cyclistes qui trouvent là un itinéraire régional reliant Schaerbeek à Flagey et au-delà. Il en est de même pour le pont de l’avenue de la Couronne qui évite à ces cyclistes de devoir descendre et remonter pour relier centre et périphérie. Enfin, les abords du chemin de fer offrent des possibilités multiples en terme de mobilité et de biodiversité (voir module 11). Pourtant, le piéton ou le cycliste qui désire emprunter l’avenue de la Couronne en venant de la rue Gray – et vice versa – est contraint d’effectuer un long détour. Et l’accès aux gares implique un parcours un peu longuet.

Voilà pourquoi, ici, au carrefour des deux axes structurants, pour valoriser et soutenir ce mouvement vers une mobilité plus douce, il est proposé de compléter le maillage horizontal, d’une part par un transport public vertical avec ascenseur adossé au pont et, d’autre part, de créer une voie lente pour rejoindre la gare du Luxembourg le long du chemin de fer.


Respire

Une œuvre de Stéphanie Jacques a longtemps orné les grilles du parking… Un bonhomme en rotin tenait un ballon fait de la même matière, évoquant un poumon ou simplement une bulle d’air frais. L’auteure, frappée par un sentiment d’étouffement dans cet endroit, avait voulu le contre-balancer par l’évocation de la respiration.