Germoir et Entre Deux Ponts ont partie liée
Cet espace public-carrefour peu structuré, traversé par de multiples axes de communication et balayé par le vent, ne manque pas d’intérêt à l’analyse. Assez ouvert, il peut être considéré comme l’inverse de celui, très fermé et peu convivial, qui se trouve dans l’entre-deux ponts de la rue Gray. Ils s’opposent, alors qu’ils ont tant de choses en commun : ils sont tous deux traversés par l’avenue de la Couronne et la ligne de chemin de fer. L’un comme l’autre ont fait l’objet d’aménagements urbains importants. Mais si l’un se trouve en dessous des voies de chemin de fer, l’autre se situe largement au-dessus. C’est dire le dénivelé entre les deux situations pourtant pas si éloignées. Le fond de la vallée fut industrieux alors que les hauteurs ont toujours été plus résidentielles. Laissez tomber une goutte d’eau ici, elle ira rejoindre le bas de la vallée… Ces deux quartiers sont liés. Mais c’est dans le fond de la vallée que l’on subit les inondations.

Extrait du Plan d’ensemble pour l’extension et l’embellissement de l’agglomération bruxelloise (1866, Archives de la Ville de Bruxelles)
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- Place de la Couronne (actuellement Bleyckaert) ;
- Place Sainte-Croix (actuellement Flagey)
Jeu des 7 erreurs
Ce plan, dessiné par Victor Besme, présente les projets de nouvelles rues. Certaines ont été réalisées, d’autres non. Alors, selon vous… quelles rues, quels édifices, dessinés sur ce plan existent toujours ? Lesquels n’existent plus ? Lesquels n’ont-ils jamais existé ?Vous trouverez les réponses ici (link).

L’herbier du Maelbeek
Que viennent faire les droits de l’homme au carrefour du « métro, boulot, dodo » ?
Ce n’est pas anodin de créer une grande œuvre sur la déclaration des droits de l’homme comme celle que nous avons face à nous. Comment passer tous les jours devant elle sans qu’elle ne suscite quelques réflexions ? On pourrait déjà dire que cette œuvre, bien visible dans l’espace public, ouvre un autre imaginaire que celui de la publicité commerciale. Comme les modules de la Curieuse balade, elle constitue un message de lutte contre la privatisation de l’espace public. Située à mi-chemin entre les institutions européennes et les universités, sur un carrefour modal entre tram et train, elle fait irruption dans nos vies quotidiennes. Mais que viennent faire les droits de l’homme au milieu du métro, boulot, dodo ?
Le droit à définir son environnement
Les droits humains : un concept ni neutre, ni évident. Bien des philosophes et des juristes discutent à leur sujet. Ces droits nous permettent de nous protéger contre les dictatures en fondant ce que l’on appelle l’État de droit. Certains estiment cependant que la déclaration actuelle des droits de l’homme favorise l’individualisme et rompt les liens communautaires. D’autres, au contraire, jugent qu’ils renforcent le législateur et donc les institutions du pouvoir ainsi qu’une forme de conservatisme. D’autres encore, pensent que les droits humains ne sont pas figés et immuables. Du fait que ce sont les humains qui les énoncent – d’ailleurs souvent à l’issue de conflits sociaux – ils trouvent en leur fondement le droit de chacun à définir son environnement social, écologique, économique, etc. Cette lecture des droits de l’homme ne diminue pas le rôle des institutions qui protègent nos droits, mais renforce les pratiques citoyennes qui établissent de nouveaux droits et de nouvelles formes d’émancipation. Avec cette Curieuse balade nous avons pris le parti de mettre en valeur quelques conflits locaux ou formes de participation qui questionnent la manière de faire la ville.

Les céramiques représentent les 54 articles de la charte européenne des droits fondamentaux, regroupés en 6 piliers : dignité humaine, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté et justice. L’œuvre forme un ensemble énigmatique telle une plante en germination, dont le sens et les enjeux doivent être interprétés et questionnés.
Cette œuvre a été réalisée sous la direction artistique de Françoise Schein, avec la participation créative des étudiants de l’epep (École Professionnelle Edmond Peeters) et de l’école Francisco Ferrer. Des habitants ont également participé.
Une œuvre qui nous relie au monde
Avec cette œuvre, Françoise Schein – l’artiste des droits de l’homme telle qu’elle se définit elle-même – n’en est pas à son coup d’essai. Bien qu’Ixelloise d’origine, avant le Germoir, elle a travaillé sur biens d’autres sites. Dans notre Région, deux œuvres existent déjà : une à la station de métro du Parvis de Saint-Gilles et l’autre à Anderlecht (sortie du Métro Aumale). Toujours avec des habitants, Françoise Schein a également réalisé des œuvres au Brésil, en France, au Portugal, en Palestine, en Haïti, etc., dans de nombreuses situations où les droits sont bafoués, où ils se renouvellent ou tout simplement s’offrent, comme ici, à la réflexion. Cette œuvre publique nous relie, nous et notre quartier, à de nombreux autres quartiers et à de très nombreux citoyens dans le monde.
Haïti et/en Ramallah • photos : Françoise Schein • foto’s : Françoise Schein
Le droit à l’eau ou le droit de l’eau
Le droit à l’eau
Le 28 juillet 2010, dans sa résolution 64/292, l’Assemblée Générale des Nations Unies a explicitement reconnu le droit humain à l’eau et à l’assainissement. Elle admet que l’eau potable et l’assainissement sont essentiels pour l’accomplissement des droits humains. La résolution invite les États et organisations internationales à fournir les ressources financières et à renforcer les capacités et le transfert technologique afin d’aider les pays – les pays en voie de développement en particulier – à fournir une eau potable sûre, propre, accessible et abordable, ainsi que son assainissement pour tous.
Et pourtant, ce droit est loin d’être partout d’application dans le monde.
Par exemple, selon l’onu :
- la distance moyenne qu’une femme parcourt en Afrique pour récolter de l’eau potable est de 6 km ;
- la consommation moyenne d’eau par habitant et par jour en Europe est de 200 à 300 litres. Dans des pays comme le Mozambique elle est de moins de 10 litres. Et dans les pays où il faut parcourir plus d’un kilomètre pour en recueillir, elle est de moins de 5 litres ;
- ensemble, l’eau sale et les mauvaises conditions d’hygiène sont le deuxième plus grand tueur d’enfants au monde ;
- au Tadjikistan, un tiers de la population utilise l’eau de canaux d’irrigations de l’agriculture pour sa consommation quotidienne, avec les risques d’exposition aux pollutions agricoles ;
- les habitants, vivant dans les taudis de Jakarta, Manille ou Nairobi, payent 5 à 10 fois plus leur eau que les habitants des quartiers riches et plus que les consommateurs de Londres ou de New York.
Le droit de l’eau
S’il est indéniable que chacun à droit à l’eau si vitale – qui d’ailleurs pourrait penser le contraire ? – le droit à définir les conditions de la gestion de l’eau semble moins connu. On parlera ici de droit de l’eau. Dans de nombreux pays au monde, la gestion de l’eau est privatisée, l’eau est même parfois considérée comme un bien marchand ; ce que contestent ceux qui estiment que l’eau est un bien public, voire un bien commun pour lequel on ne peut faire des bénéfices. En Italie, le référendum de 2011 sur l’eau bien commun a recueilli 27 millions de signatures contre la marchandisation de l’eau. Des villes comme Naples et Turin ont renforcé la dimension participative de cette gestion. À Bruxelles, globalement, la volonté de gestion publique de l’eau est bien affirmée, qu’elle soit régionale ou communale. Il y existe aussi une volonté de renforcement de la participation citoyenne à la gestion de l’eau qui s’affirme par la notion de solidarité de bassin versant. Définir les formes de gestion de l’eau participe d’un droit à définir la ville.
Chaque nouvelle technologie nous est présentée comme « augmentant » la quantité d’eau disponible. Or, celles-ci n’accroissent pas la quantité d’eau ; elles créent la rareté. Faut-il le rappeler, l’eau ne peut pas être « augmentée » ; elle est li-mi-tée.
Vandana Shiva