Petite rue, longue histoire

Nivellement du Quartier Marie-Henriette par le haut

L’arrêté royal du 8 juillet 1875 autorise la Commune d’Ixelles à mettre à exécution un plan d’ensemble du quartier situé entre l’abattoir et le Maelbeek. Dès le 11 août, la Commune entame des mesures d’acquisition des terrains. Ce qui amènera la disparition d’un quartier déshérité où, selon l’expression d’un échevin de l’époque, « […] les alignements [étaient] aussi fantaisistes que les constructions [où] il n’y avait ni égout, ni même conduites d’eau pour assurer la sécurité des habitants en cas d’incendie, où l’hygiène, la sécurité, la santé des citoyens étaient gravement compromis ».

Les travaux de déblayage du nouveau quartier, dit Marie-Henriette, eurent une importance considérable : en 1881-82, ce sont 73 000 m3 de terre qui furent enlevés, terre notamment déversée dans les étangs afin d’en relever le plafond et d’en couvrir les vases, causes de mauvaises odeurs.

En 1861 déjà, le relief d’Ixelles subissait des transformations. La Commune avait adopté les propositions de Victor Besme, l’inspecteur voyer (voir module 9, « Tiers paysage), qui avait préconisé notamment l’abaissement de 3,16 mètres de la place de la Couronne (place Blyckaert), dans le but de donner, selon P. Le Roy dans sa monographie d’Ixelles (1885) « à la rue du Trône une rampe [faible] à partir de la chaussée de Wavre. Ces travaux étant motivés par la nécessité de franchir la vallée du Maelbeek par la rue du Trône prolongée » (avenue de la Couronne). Autant d’initiatives qui apportèrent à cette partie d’Ixelles, toujours selon P. Le Roy, « une plus-value considérable » : la valeur des terrains augmenta de plus de 400 % entre 1861 et 1871.

Collages réalisés au cours d’un atelier organisé en été 2015 par la Bibliothèque communale d’Etterbeek, sur le thème du paysage – ateliers animés par Catherine B


Assainissement et question sociale

L’assainissement avait donc un but avoué : attirer à Ixelles des populations moyennes, sinon aisées. Cependant, l’urbanisation amena de nouvelles nuisances ou, en tout cas, aggrava les phénomènes que l’assainissement se devait d’éradiquer. Le moindre n’était pas le suivant : peu à peu, les habitations étaient raccordées à un réseau de distribution qui amenait de l’eau potable depuis des captages suffisamment éloignés de la ville pour ne pas être contaminés. Ceci coïncidait aussi avec une nouveauté qui faisait son apparition à l’époque : le water-closet ou wc et, bien entendu, avec la création de réseaux d’égouttage. Cependant, les collecteurs se déversaient dans le cours d’eau tout proche.

Selon P. Le Roy, « Le ruisseau le Maelbeek étant devenu le collecteur des eaux ménagères et industrielles ainsi que de déjections de toute nature provenant du plateau entre la rue du Viaduc et le bas de la commune, il devenait urgent d’exécuter à bref délai un vaste collecteur dans lequel serait dérivé le ruisseau.

L’achèvement de ce travail d’art […] nécessita l’assèchement de terrains marécageux et le relèvement du plafond de la rue Gray ; il eut pour conséquence d’assainir cette partie de la commune et de permettre l’amélioration des voies de communication faites et à faire dans la rue Gray et les plateaux environnants ».

Nous l’avons vu, on combla les étangs, on voûta les ruisseaux, on imperméabilisa les sols (le sol était vu comme source de miasmes, de nuisances)… Mais on ne mit pas fin aux inondations, bien au contraire…


Les abattoirs ont tué le Maelbeek

Le musée d’Ixelles, ancien abattoir (carte postale du début du XXe siècle, conservée dans le fonds Belfius, Académie royale de Belgique)

C’est en 1850 que l’abattoir d’Ixelles est construit par Jean Van Volsem qui obtient le produit des droits d’abattage et la création, par la Commune, de rues desservant l’établissement (Van Aa et Van Volsem). En 1855, l’abattoir passera directement sous contrôle communal. Il fonctionnera jusqu’en 1890. Le musée d’Ixelles occupera ensuite ses locaux.

Ici encore, on retrouve les préoccupations hygiénistes… et leurs conséquences. Jusqu’au XIXe siècle, chaque boucher abattait dans sa boucherie, dans des conditions que les écrits de l’époque décrivent comme sommaires. Soucieuses d’améliorer la qualité sanitaire des viandes, les communes se dotèrent d’abattoirs. Il devint obligatoire d’y abattre tout animal vendu dans les boucheries, ce qui n’alla pas sans faire grincer des dents… Créés dans une volonté d’assainissement, ces abattoirs furent néanmoins, et à juste titre pointés, comme d’épouvantables sources de nuisances. Celui d’Ixelles fut l’une des causes importantes de pollution du Maelbeek. Pour citer André Gonthier, « Le ruisseau, depuis que l’abattoir y déversait ses rinçures et les riverains leurs déchets, était devenu un immonde bourbier, un égout à ciel ouvert ».

L’herbier du Maelbeek