Sous nos pieds coule le Maelbeek

Les pauvres soutiennent-ils les riches ?

Observez les petites maisons ouvrières au bas du pont : elles ont été construites en 1915, restaurées en 2005 pour être transformées en logements sociaux. Seules les façades sont d’origine. Il est intéressant de constater que ces petites habitations ouvrières semblent renforcer le mur de soutènement pour le remblai qui s’y appuie et au-dessus duquel se dresse une maison patricienne. Celle-ci trouve, en quelque sorte, appui sur les petites maisons ouvrières. Faut-il y voir un symbole social ? Il est en tout cas courant que les classes les plus populaires vivent dans les fonds de vallée, là où les terrains sont plus humides et le soleil moins généreux, alors que les classes aisées se trouvent sur le haut. Certains hydrologues avaient proposé de raser ces petites maisons ouvrières afin de dégager un espace semi-humide pour retenir l’eau et empêcher en partie les inondations. Les pouvoirs publics ont privilégié le fait de conserver ces maisons pour en faire des logements sociaux.

L’eau de pluie, une ressource et non un déchet

Le collecteur du Maelbeek reçoit les eaux usées de tous les égouts qui se trouvent sous les voiries de la vallée. Ce sont essentiellement des eaux souillées par les activités ménagères ou liées à des activités économiques : déjections humaines, lessives, vaisselles, etc. Mais par temps de pluie, le collecteur reçoit également les eaux pluviales qui se mélangent aux eaux souillées.

Toutes ces eaux sont amenées vers la station d’épuration Nord (step-nord) à la périphérie de la ville. Elles y sont épurées avant d’être rejetées à la Senne. Cette station, qui ne fonctionne que depuis 2007, traite les deux tiers des eaux usées de la ville. Auparavant elles étaient rejetées directement à la Senne. Même si, aujourd’hui, la situation est incomparablement meilleure, elle n’est pas parfaite. La pollution rejetée à la Senne reste encore trop élevée.

Nos eaux, au total, ont des parcours particuliers. L’eau potabilisée et transportée à grand frais, provenant essentiellement du bassin versant de la Meuse, est utilisée pour nombre d’activités qui ne nécessitent pas d’eau potable. Alors que l’eau de pluie, qui pourrait servir à la plupart de ces usages, part directement vers les égouts et la station d’épuration. Or celle-ci, conçue pour traiter des eaux très polluées, fonctionne plus difficilement quand les polluants sont plus dilués.

Pont vu de la rue Gray vers 1900 (carte postale conservée dans le fonds Belfius, Académie royale de Belgique)


Sous nos pieds coule le Maelbeek

Le Maelbeek naissait dans l’enclos de l’abbaye de la Cambre et coulait du sud au nord, au fond d’une vallée qu’on disait bucolique, pour se jeter, au terme d’un parcours d’un peu plus de 7 km, dans la Senne.

Au cours du Moyen Âge, quatre villages se constituent dans la vallée : Ixelles, Etterbeek, Saint-Josse-Ten-Noode et Schaerbeek. On peut dire qu’ils sont les enfants de la rivière, tant les activités productives qui les font vivre sont liées à la disposition, à l’exploitation et au contrôle des eaux, que ce soit pour actionner les roues des moulins, alimenter les viviers, les brasseries, etc.

La ville a refoulé l’eau

Au XIXe siècle, la force de la vapeur remplace celle de l’eau, rendant les moulins obsolètes. La petite rivière perd peu à peu son rôle économique. Ixelles s’urbanise et quelques industries s’y développent. Le Maelbeek reçoit les eaux usées des entreprises et des nouveaux quartiers ; il devient un véritable cloaque, source de nuisances sanitaires aggravées par les conditions de vie des populations paupérisées habitant le fond de la vallée.

À une époque où les découvertes médicales inspirent l’hygiénisme et où celui-ci inspire l’urbanisme, les autorités ne voient qu’une solution : voûter le Maelbeek. Il est ainsi progressivement recouvert, tronçon par tronçon : les travaux sont effectués en 1873 entre Ixelles et Etterbeek (ils l’étaient déjà depuis plus de 10 ans à Saint-Josse). On externalise les problèmes hors de la ville. La rivière, devenue collecteur d’égout, rejette ses eaux au loin dans la Senne, en aval de Bruxelles. Nombre de cours d’eau bruxellois connaîtront le même sort, dont la Senne elle-même. La ville, en enfermant ses rivières et en imperméabilisant ses sols, a refoulé l’eau.

Maelbeek Mon Amour