Tiers Paysage

Arbre des villes et arbre des champs

Au bout de cette passerelle s’ouvre à nous le parc du Viaduc, ancien jardin privé de l’hôtel La Fontaine, devenu la Maison de la Solidarité (rue du Viaduc 133).

Le parc du Viaduc compte quelques arbres remarquables. Par arbres remarquables, on entend ici les arbres repris dans l’inventaire de la Région bruxelloise et qui bénéficient de ce fait d’une reconnaissance, d’une protection.

Au temps où fut créé le parc du Viaduc (dans la seconde moitié du XIXe siècle), alors jardin privé, on appréciait des variétés d’arbres au port élégant, aux fleurs grandes et nombreuses, mais qui ont perdu une part de leurs rôles écologiques. On pourrait parler d’arbres des villes, voire d’arbres patriciens, essentiellement appréciés comme ornements d’espaces privés et publics. C’est l’époque où l’on conçoit des squares et parcs publics dans la ville moderne par ailleurs coupée de la campagne, de la nature.

Ainsi le parc du viaduc compta un marronnier à fleurs rouges, et compte encore un beau cerisier du Japon.

Cependant, l’arbre des campagnes (dirions-nous l’arbre plébéien ?) gardait les honneurs, celui que l’on plante pour ses fruits et/ou son bois et/ou parce qu’il joue un rôle dans la constitution du paysage. Ainsi, parmi les arbres remarquables d ce même parc, on compte aussi un bon vieux charme, caractéristique de nos campagnes. Du bois très dur de cet arbre, on fait des manches d’outils, des pressoirs… ou des roues de moulin. Et de l’arbre lui-même, on fait des charmilles, haies qui protègent contre le vent, ou des tonnelles très décoratives.

Du reste, n’oublions pas que l’arbre nous comble de ses bienfaits. Comme nous, humains, il boit et il transpire. Il contribue ainsi à la gestion du cycle de l’eau – c’est ce qu’on appelle l’évapotranspiration – et au rafraîchissement de l’air ambiant. Ceci est précieux en ville, surtout en ces temps de changement climatique qui nous prédisent des périodes de chaleur de plus en plus fréquentes et longues.

Le Park System

De plus en plus, les espaces ouverts forment la base d’une pensée de la ville. C’est le cas ici le long du chemin de fer. Le Park System se veut être une continuité verte longeant alternativement les voies de la ligne Bruxelles-Namur, entre l’Esplanade européenne et l’arrêt RER du Germoir. Dans une même vision, la volonté consiste à intégrer des espaces publics déjà aménagés (parc du Viaduc, jardin Gray-Couronne, l’entre deux ponts, etc.), les terrains en friches et le talus du chemin de fer. La visée est multiple : tout en améliorant les conditions de déplacement (piéton et cycliste) dans une approche respectueuse des qualités environnementales en présence, il s’agit aussi de traiter cet ensemble paysager comme une composition reliant les différents quartiers et non pas comme une somme de tronçons disparates. S’égrènent ainsi le long du parcours des éléments de contact avec la biodiversité, l’agriculture urbaine, des ruchers… et même la Nouvelle rivière urbaine de la rue des Deux Ponts ou la rue comestible (voir module 12) de la rue de Artisans.

Couloir écologique et Tiers-paysage

Les talus des chemins de fer, souvent très végétalisés et laissés – volontairement ou non – à eux-mêmes, peuvent devenir de bonnes continuités vertes, permettant de rendre la ville plus poreuse aux mouvements de la biodiversité. Comme ils limitent la fragmentation spatiale en permettant le déplacement de la faune (animaux) entre zones d’habitat ainsi que des propagules de flore (végétaux) ou de fonge (champignons), on peut qualifier ces espaces de corridors écologiques. Ceux-ci vont devenir d’autant plus importants que, avec le réchauffement climatique, on assiste à la migration d’espèces qui recherchent des conditions bio-climatiques qui assurent leur cycle de vie, la ville formant une barrière pour ces migrations.

Selon Gilles Clément, déjà cité (voir module 8), moyennant quelques aménagements, les talus de chemin de fer peuvent être considérés comme des éléments de ce qu’il appelle le Tiers-paysage. Le Tiers-paysage est composé de l’ensemble des délaissés urbains ou ruraux, des espaces inaccessibles aux humains ou des réserves naturelles. Selon cet auteur « Comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’homme, le Tiers-paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. (…) Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant. Considéré sous cet angle, le Tiers-paysage apparaît comme le réservoir génétique de la planète, l’espace du futur… »

L’herbier du Maelbeek